le sutra du dragon

Il était une fois, dans la montagne au-dessus d’un village, un monstre gigantesque qui dévorait tous ceux qui approchaient sa caverne.

“ Il ne faut pas monter là-haut, nul n’en revient “, disaient les paysans terrorisés.

Mais un jour, un jeune homme nommé Gobuki proposa d’aller voir le monstre. Et, malgré toutes les tentatives pour l’en empêcher, il se décida. Alors les villageois donnèrent cinq armes différentes : une pique, une lance, un bâton, une épée et une fourche.

Lorsqu’il arriva à l’entrée de la caverne, elles se collèrent toutes contre son corps. Il ne bougeait pas, regardant fixement le monstre, sans éprouver aucun effroi. Celui-ci s’écria : “ Pourquoi est-ce que je ne te fais pas peur ? “

“ Je ne sais pas vraiment. Mais je suis universel, mon corps est Kû*, mon esprit est Kû, vous aussi vous êtes Kû, vous êtes universel. Donc j’existe en vous, et vous existez en moi. Vous et moi nous sommes unité, universels, Kû. Si vous me mangez, vous vous mangez vous-même. Si vous vous mangez vous-même c’est que vous êtes fou. Mais si vous voulez vous manger, je vous en prie faites-le ! “

Complètement abasourdi, le monstre s’écria :

“ Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais vu quelqu’un qui ne soit pas rempli de frayeur en me voyant, en m’approchant. Avec vous, tout devient compliqué !

Mon estomac se révulse, je n’ai plus envie de manger, je ne peux pas… S’il vous plaît, allez, prenez vos armes et repartez. “

Cette histoire est un sutra.

_ histoire tirée du livre “Le bol et le bâton“ de T.Deshimaru

_ Kû : vide, “sunyata“ en sanscrit.

dragon

Étincelle !

Bouddha Gautama  découvrit que l’Univers dans lequel nous vivons est instantané, et cette découverte lui procura une nouvelle façon de voir et de penser sa vie de même que les problèmes philosophiques qui l’avaient troublé dans le passé. Il développa une théorie qu’on pourrait appeler théorie de l’Univers instantané. Selon cette théorie, le temps est comme un éclair de lumière. Au moment de l’éclair, nous apparaissons ainsi que l’Univers. Lorsqu’il disparaît, nous disparaissons ainsi que l’Univers. Nos vies ne sont qu’une série de ces éclairs ; apparition et disparition constantes dans la vie, de l’Univers et de nous-mêmes.

Cette théorie est radicalement différente de nos conceptions habituelles du temps. Nous voyons habituellement le temps comme une ligne solide qui s’étend du passé lointain vers l’avenir. Mais ce genre d’entendement n’est qu’une construction mentale, une interprétation fondée sur des souvenirs et des rêves qui insiste naturellement sur le passé et l’avenir mais néglige l’instant présent, parce que ce moment, ici et maintenant, est au de-là de la réflexion ; l’esprit ne peut pas s’en saisir.

Nishijima roshi 
_splash

ondes de forme

Les ombres naissent des formes, l’écho répond à la voix. Ceux qui jouent avec leur ombre jusqu’à épuiser leur corps, ne réalisent pas que ce corps est la cause de l’ombre. Ceux qui élèvent la voix pour faire cesser l’écho ne réalisent pas que leur voix est la source de l’écho. Rechercher le nirvana en éliminant les passions est comme rechercher l’ombre en enlevant le corps. Chercher le Bouddha en rejetant les êtres est comme chercher l’écho en faisant taire la voix. Sachez donc que l’illusion et l’éveil ne sont qu’une seule Voie, et que la bêtise et la sagesse ne diffèrent en rien. Pour avoir donner des noms à ce qui était innommable, on a engendré l’être et le non-être. Pour avoir établi des principes dans ce qui était sans principe, on a vu fleurir les disputes. Les transformations illusoires n’étant pas vraies, qui aurait tort ou raison ? L’erreur étant irréelle, qu’est-ce qui existe ou n’existe pas ?

Le traité de Bodhidharma

_ÉCHO

devinettes

“ Qu’est-ce que Bouddha ? “
Tozan dit : “ Trois livres de lin ! “

“ Qu’est-ce  que Bouddha ? “
Ummon répondit : “ Du papier toilette ! “

“ Qu’est-ce que Bouddha ? “
Baso répondit : “ Cet esprit même est Bouddha ! “

_proposition

zen engagé

Tosui fut un célèbre maître zen en son temps. Il vécut dans plusieurs temples et enseigna dans différentes provinces.
Le dernier temple où il se rendit comptait énormément d’adeptes mais malgré cela Tosui leur annonça qu’il allait abandonner l’enseignement. Il leur conseilla de se disperser et d’aller où ils voulaient. À la suite de quoi on perdit sa trace.
Trois ans plus tard, l’un de ses disciples découvrit Tosui, vivant avec des mendiants sous un pont de Kyoto. Il l’implora aussitôt de suivre son enseignement.
— Si vous êtes capable de faire ce que je fais, ne serait-ce que deux jours, peut-être, répondit Tosui.
L’ancien disciple s’habilla comme un mendiant et passa la journée avec Tosui. Le jour suivant, un des mendiants mourut. Tosui et son élève transportèrent le corps à minuit et l’enterrèrent à flanc de montagne. Ils retournèrent ensuite dans leur abri, sous le pont.
Tosui dormit profondément le reste de la nuit, mais le disciple ne put fermer l’œil.
Au matin, Tosui dit :
— Nous n’avons pas besoin de mendier de la nourriture, aujourd’hui. Notre cher ami nous en a laissé un peu.
Mais le disciple fut incapable d’avaler une seule bouchée.
— Je savais que vous ne pourriez pas faire comme moi, conclut Tosui. Partez d’ici et ne m’importunez plus.

_ Texte tiré de : “On ne peut pas voler la lune et autres histoires zen“ compilées par Paul Reps et Nyogen Senzaki 
_À lire sur le blog d’Éric Rommeluère, un article sur Bernard Glassman :
 http://www.zen-occidental.net/articles1/glassman2.html 

_Street-zen