Ainsi soient-ils

Ma reconnaissance va à tous les êtres qui ont contribué à me donner cette nourriture.

Je reçois ce don de nourriture tout en considérant mes imperfections.

Je veillerai à annihiler la colère et l’avidité, et à combattre l’ignorance, qui me rendraient indignes de cette nourriture.

Je saurai apprécier cette nourriture, sachant qu’elle doit être prise comme un médicament pour la santé du corps.

Je prends cette nourriture afin d’avoir la force nécessaire pour me perfectionner dans la Voie.

La première cuillerée est pour couper tout le mal,

La deuxième, pour pratiquer le bien,

La troisième, pour aider tous les êtres.

 

« SHOKUJI NO OKYO » Sutra des Repas / extraits

« wouaf wouaf !!!! »

Si nous sommes dogmatiques, les difficultés surgiront.

Le nez du chien n’est pas celui de l’homme,

et l’odeur du pet, détestable pour l’un, sera un grand parfum pour l’autre.

T.Deshimaru

 

ni plus ni moins

Ce qui donne forme aux choses

n’est pas compris dans les limites des choses.

Car tous les êtres ont des limites, ce sont même elles

qui les déterminent comme êtres.

En sorte que :

Dans tous ces phénomènes tels que plénitude et vacuité,

accroissement et diminution,

bien qu’il soit à l’œuvre dans la plénitude et la vacuité,

le Tao n’est ni la plénitude ni la vacuité ;

bien qu’il soit à l’œuvre dans l’accroissement et la diminution,

il n’est ni l’une ni l’autre ;

il régit le début et la fin d’un processus,

mais il n’en est ni le début ni la fin, il préside

à l’accumulation et à la dispersion,

mais n’est ni accumulation ni dispersion.

_Tchouang tseu

regard dans le vide

Écoutez maître Eckhart :

« Même quand nous nous séparons de toutes les créatures

et que nous nous engageons sur la Voie de la vérité,

nous ne sommes pas encore pleinement bienheureux,

bien que notre regard plonge dans la vérité divine.

En effet, tant que nous encore occupés à regarder,

nous ne sommes pas un avec ce que nous regardons.

Tant que quelque chose est encore l’objet de notre intuition,

nous ne sommes pas encore un dans l’Un,

puisque là où il n’y a que l’Un, on ne voit pas plus que l’Un.

C’est parce que Dieu n’est visible que dans la cécité,

n’est connaissable que dans la non-connaissance

et n’est compréhensible que dans le non-sens. »

Les yeux ne peuvent pas se voir eux-mêmes.

André Lemort

Lâchez tout

Dirigez-vous vers l’Endroit

où aucune méditation ne peut parvenir

et à l’état

« Avant » qu’une pensée ne surgisse.

Hakuin

 

La forme n’est pas le contenant innocent

d’un fond immobile,

mais participe au leurre mouvant

qu’est toute production des sens.

Roland Barthes

clair-obscur

Dans la lumière existe l’obscurité,

mais ne la prenez pas pour de l’obscurité.

Dans l’obscurité existe la lumière,

mais ne la regardez pas comme de la lumière.

Sekito Kisen / Sandokai

 

Mei et An, la lumière et l’obscurité.

Par lumière il faut entendre le monde relatif, dualiste des mots,

le monde de la pensée, le monde visible dans lequel nous vivons.

Obscurité désigne l’absolu, où il n’y a ni valeur d’échange,

ni valeur matérialiste, ni même valeur spirituelle

­— le monde que nos mots et nos pensées ne peuvent atteindre.

Vivant dans le monde de la dualité,

nous avons sans doute une compréhension de l’absolu,

que nous assimilons peut-être à la divinité.

Mais dans le bouddhisme, nous n’avons aucune idée particulière de la divinité.

L’absolu est l’absolu parce qu’il se situe au-delà de

la pensée intellectuelle ou dualiste.

Le monde de l’absolu ne peut être nié.

Beaucoup de gens disent que le bouddhisme est athée

parce qu’il n’a aucune idée particulière de Dieu.

Nous n’ignorons pas qu’il y a un absolu

mais nous n’en parlons pas beaucoup, car nous savons

qu’il se situe au-delà des limites de notre mental.

C’est ce qu’on entend pas An, l’obscurité.

Shunryu Suzuki / Sandokai

 

Top chef

La fonction de chef ou de responsable,

quel que soit le domaine de l’activité, y compris celle de cuisinier

requiert trois qualités : joie de vivre, bienveillance et grandeur d’esprit.

 

Joie de vivre signifie que vous êtes heureux d’accomplir votre tâche.

Songez que si vous étiez né dans le Royaume des Dieux,

vous seriez accaparé par tant de divertissements et de plaisir

que vous n’auriez ni le temps ni l’occasion de susciter en vous

l’esprit d’éveil et encore moins de pratiquer.

 

La bienveillance est le sentiment d’un père ou d’une mère pour son enfant.

Que les parents soient pauvres et même dans la misère,

leur tendresse est aussi grande et leurs soins sont aussi attentifs.

Comment expliquer ce sentiment ?

Celui qui n’a pas d’enfant ne peut le comprendre,

il faut être parent soi-même pour le ressentir.

Un père ne considère pas son fils en termes de perte ou de profit,

il pense avant tout à bien l’élever.

 

La grandeur d’esprit, c’est grand comme une montagne, vaste comme l’océan.

C’est un esprit sans idées reçues ou partisanes.

Il ne se réjouit pas quand il n’a qu’une once à porter

et ne s’afflige pas de soulever trente livres.

Même s’il entend l’appel du printemps, il ne va pas sauter de joie

dans la rosée et s’il contemple les couleurs de l’automne,

il ne verse pas de pleurs mélancoliques.

 

Dôgen / Tenzo Kyôkun

 

peurs, mensonges et traditions

Il y avait autrefois un temple, et dans ce temple il y avait une chatte, une chatte de trois couleurs. Comme chacun sait seules les chattes peuvent avoir trois couleurs, pas les chats.

Et cette chatte à chaque zazen venait s’installer dans le dojo en ronronnant contre les genoux des moines.

Alors le maître pensa que ça ne pouvait pas continuer et dit à son premier assistant : «  Tu me règles ce problème de la chatte qui vient déranger les moines pendant zazen ». Celui-ci qui était un vrai bouddhiste pensa qu’il ne pouvait bien sûr pas tuer la chatte. Il demanda donc à un moinillon, un novice, d’attacher la chatte au début du zazen et de la détacher à la fin de la session. Ainsi fut fait. Le moinillon, tout fier de sa responsabilité et de sa pratique — son supérieur lui ayant dit : « C’est ta pratique, donc fait attention »— attachait la chatte à l’entrée du dojo au début de chaque zazen.

Et le temps passa. Et puis un jour, le moinillon un peu avant zazen chercha la chatte et ne la trouva pas. Très inquiet évidemment pour ce qui allait lui arriver, il pensa : « Pourvu que personne ne s’en aperçoive pendant ce zazen, après je verrai ; si je ne trouve pas la chatte, il faudra que j’en trouve une autre à peu près pareille. » A la fin du zazen , le moinillon sortit très vite, mais toujours pas de chatte. Il chercha donc une chatte qui puisse passer pour la chatte du temple, et comme elle avait fait pas mal de petits au cours de son existence, il n’eut pas de mal à trouver. Il ramena la chatte au temple, la cajola, et la nourrit très bien pour qu’elle reste.

De nouveau les semaines et les mois passèrent, le moinillon monta en grade et il transmit sa charge à un jeune novice, qui fier de son rôle continua donc d’attacher la chatte à l’entrée du dojo pendant les séances de zazen.

Et puis les années passèrent. Le maître vieillissait, un peu surpris de voir que la chatte, elle, ne vieillissait pas. Il déclara : « Voyez l’influence du zazen, même la chatte qui est attachée à l’entrée du dojo à chaque zazen en profite puisqu’elle a maintenant un âge canonique, et qu’elle est en peine forme, comme moi ». Ça ne pouvait que motiver davantage les moines pour pratiquer.

Le maître un jour mourut. Après sa mort, ses successeurs continuèrent son enseignement et aucun n’allait se permettre de dire : «  Bon, on vire la chatte, elle ne sert à rien et elle embête tout le monde », les autres responsables auraient aussitôt profité de sa proposition de changer les habitudes du temple pour le critiquer — et éventuellement éliminer un concurrent. Donc on continua. Le moinillon en charge de la chatte et qui l’aimait bien, se dît : « On pourrait quand même lui mettre un coussin, pendant zazen elle serait mieux «. Il trouva un vieux coussin de mokugyo*, de trois couleurs comme la chatte, doré, rouge et vert. Après un certain temps, les responsables, réunis en comité, dirent : « on ne peut pas laisser la chatte sur ce vieux coussin dégueulasse à l’entrée du dojo, on va lui mettre un coussin neuf ». Et ils choisirent un beau coussin doré, rouge et vert de peur d’être accusés d’un manque de respect envers la tradition.

Plus tard on pensa que la vieille gamelle pour nourrir la chatte ne faisait pas sérieux et pour donner une allure de vrai dojo il fallait un bol laqué pour mettre la nourriture de la chatte.Par la suite, il s’établit aussi des règles sur la façon juste d’attacher la chatte dans un vrai temple.

Vint le moment ou les responsables du temple principal s’en furent dans d’autres temples plus petits. Le premier qui s’en fût se dît qu’il fallait faire la même chose dans son temple que dans le temple principal. Il trouva donc une chatte de trois couleurs et l’installa selon les règles.

Ainsi de temple en temple et de siècle en siècle les maîtres transmirent la vraie tradition du rite d’attacher une chatte de trois couleurs pendant chaque zazen.

Longtemps après de doctes érudits étudièrent profondément cette tradition et l’on dénombre actuellement plus de cent trente et un traités sur le symbolisme de cet acte capital qui a changé l’évolution de la pratique, et le premier maître qui fit attacher la chatte pendant le zazen est devenu très célèbre (Bien que son identité ne soit tout à fait certaine).

 André Lemort / La double méprise

*mokugyo: instrument de percussion en bois utiliser dans les rituels

qui suis-je ? où vais-je ? dans quel état j’erre ?

Un démon arriva avec un cadavre sur l’épaule et le laissa choir devant un moine.

À ce moment survint un autre démon :

_ Donne-moi ce cadavre !

_ Non, il est à moi. C’est moi qui l’ai apporté !

Il s’ensuivit une querelle et comme ils n’arrivaient pas à régler le litige,

ils décidèrent d’en référer au moine :

_ Maître, c’est moi qui ai apporté ce cadavre !

_ Oui, en effet, c’est bien toi.

L’autre riposta sur-le-champ : il arracha un bras du moine et le dévora.

Comme le premier démon éprouvait de la sympathie pour le malheureux moine,

il enleva au cadavre un bras et l’accrocha à la place du bras manquant.

Le deuxième démon s’empara de l’autre bras, puis d’une jambe et

de l’autre, de la tête, du tronc et pour finir, tout le corps fut englouti.

Quant au démon compatissant, il s’affairait à remplacer les pièces au fur et à mesure.

C’est ainsi que de transformation en transformation,

il ne resta plus rien au moine de sa personne d’origine :

« Au fond, qui suis-je ? », se demanda-t-il.

Les champignons du père vont à la rencontre du champignon de la mère — et puis bang !

une cellule unique est créée.

Elle fait un séjour dans l’utérus avant de naître et de téter le sein de sa mère.

En grandissant, elle avale toutes sortes de nourritures

dont elle laisse choir le résidu aux toilettes où un démon s’en empare.

Ensuite, elle va au restaurant où un autre démon la répare.

Au bain, la sueur coule, chez le coiffeur, les cheveux tombent

et c’est ainsi que les champignons que nous sommes,

de transformation en transformation, de métamorphose en métamorphose,

arrivent au jour d’aujourd’hui : « Au fond, qui suis-je ? »

 

Kôdô Sâwâki

vagabond

pour mendier ma nourriture je me rends en ville

en chemin je rencontre un vieillard, une vieille connaissance

il me demande « maître, que faites-vous donc,

à demeurer là-bas sur le pic dans les nuages blancs ? »

je lui demande « que faites-vous donc,

à vieillir dans ce monde de poussière rouge ? »

nous sommes pour répondre mais restons tous deux muets

la cloche de la cinquième veille brise mon rêve

Ryokan

_vagabond

 

brut de décoffrage

Ô Vide jaillissant de cette réalité

Dont l’esprit ne saurait épuiser les ressources.

Lorsque l’éveil est là, il n’y a pas d’éveil,

Et la non vacuité est vacuité réelle.

 

Tous les Bouddhas passés présents et à venir

Prennent pour véhicule ce seul enseignement,

Dont la moindre partie de la pointe d’un poil

Embrasse en son entier les innombrables mondes.

 

Il n’y a vraiment rien dont il faille s’enquérir

Comme il n‘est nul endroit où apaiser l’esprit.

Lorsqu’il n’est nul endroit où apaiser l’esprit,

Le Vide lumineux se met à resplendir.

 

L’Inscription sur l’Esprit / Sin-ming (attribué à Nieou-t’eou)

_mister Vide

 

 

l’esprit sans objet

Sommes-nous ici pour que la réalité se manifeste

librement

dans notre forme vitale,

ou pour la rétrécir

par une disposition mentale ?

André Lemort

 

Penser est une abstraction.

Ce n’est pas être, c’est penser être.

Taizan Maezumi

art abstrait

Nous sommes à la remorque du langage alors que nous croyons le conduire. / Vladimir Jankélévitch

Nous ne recevons de la réalité que ce que nous y avons nous-mêmes déposé.

Nous nous trouvons enfermés dans la cage des mots

comme dans une prison que nous aurions édifiée de nos propres mains,

une prison à laquelle nous pourrons d’autant moins échapper qu’elle nous est invisible.

Il s’agit donc en premier lieu de dissiper l’illusion

d’une adéquation entre les objets réels — les phénomènes ­— et les catégories du discours.

Il faut donc refuser de se laisser entraîner sur la pente naturelle du verbe

dans cette vaine activité consistant à établir des jugements toujours partiaux

parce que partiels, mais bien au contraire user d’un langage flottant et informe,

balançant toujours entre deux assertions contradictoires

si l’on veut saisir le flux mouvant de la réalité :

_Le lieu où le « ceci » et le « cela » ne rencontrent plus leur contraire constitue l’axe du Tao.

Sitôt que celui-ci se loge au centre de l’anneau, on peut répondre à l’infinité des cas,

soit par la série inépuisable des affirmations soit par la série inépuisable des négations.

C’est pourquoi j’ai dit que le mieux encore était de revenir à l’intuition. / Tchouang-tseu

 

Jean Levi / Propos intempestifs sur le Tchouang-tseu

_oiseau de sucre

 

 

éclair de lune

Lors d’un enseignement Nâgârjuna prit la forme d’une pleine lune.

A ce moment-là, son disciple Kânadeva qui était présent dit à l’assemblée :

« C’est bien là le vénérable.

En manifestant la forme de la nature de bouddha, il nous enseigne.

Comment le sais-je ?

Car la forme de la concentration informelle ressemble à la pleine lune.

Ce qui ressemble à la nature de bouddha est vaste et a l’apparence du vide. »

Une fois que l’apparence eut disparu, et qu’il soit réapparu, Nâgarjuna composa ce poème :

Le corps manifeste la forme de la pleine lune,

Il manifeste ainsi l’apparence de tous les bouddhas.

La prédication de la loi n’a pas de forme,

Il n’est ni son ni couleur à son explication.

_éclair de lune

 

tréfonds

Descends plus bas, descends seulement

Dans le monde de la solitude perpétuelle,

Un monde non pas un monde, mais cela même qui n’est pas monde,

Obscurité interne, privation,

Destitution de toute propriété

Dessiccation du monde du sentir

Évacuation du monde des images

Inopérance du monde de l’esprit ;

C’est là l’un des deux chemins, l’autre

Étant le même, non mouvement

Mais abstention de mouvement ; cependant que le monde se meut

Dans l’appétence, sur ses voies métalliques

De temps passé, de temps futur.

 

T.S. Eliot

_tréfonds

Tchouang-tseu et la recherche du Tao perdu

— Où se trouve le Tao ? demanda un jour le Maître du Mur de l’Est à Tchouang-tseu.

­­— Partout, répondit Tchouang-tseu.

— Sois plus précis !

— Alors dans une fourmi.

— Plus bas !

— Dans un brin d’herbe.

— Plus bas !

— Dans cette tuile.

— Encore plus bas !

— Dans ma pisse et ma merde !

Comme son interlocuteur restait bouche bée Tchouang-tseu reprit :

— Ce n’est pas avec tes questions que tu pourras en atteindre la substance.

Tchouang-tseu se sert alors d’une de ces métaphores saugrenues dont il a le secret :

— Cette façon de procéder me fait penser, dit-il, à cette réponse

que fit l’employé de l’abattoir à l’inspecteur du marché qui lui demandait comment

il choisissait ses porcs : « plus on descend bas sur le pied plus c’est concluant ! »

À le presser ainsi sur le Tao en lui demandant « plus bas »,

afin de s’assurer que le Tao est bien partout dans les choses, son interlocuteur

ne procède pas autrement qu’un boucher tâtant le pied du cochon

pour vérifier l’épaisseur de sa graisse.

Ce n’est pas ainsi que l’on peut saisir la nature du Tao.

Tout simplement parce que le Tao ne participe pas de l’être et ne peut donc être compris

dans sa totalité, si l’on s’en tient purement et simplement au monde phénoménal.

En d’autres termes le Tao est partout parce qu’il n’est nulle part.

Et Tchouang-tseu d’expliquer :

Ce qui donne forme aux choses n’est pas compris dans les limites des choses.

Car tous les êtres ont des limites, ce sont même elles qui les déterminent comme êtres.

 

Tchouang-tseu / propos intempestifs sur le Tchouang-tseu / Jean levi

_à la recherche

 

 

surprise surprise

L’instant doit nous étonner. Nous devons étonner l’instant, tout autant.

Cette culture de l’émerveillement rend nos préoccupations,

nos pensées, nos désirs, nos manques presque vains.

L’instant qui s’illumine devient, lui, si précieux, si entier, si réel !

Dans le surgissement de l’instant, le je-ne-sais-pas devient une évidence.

Toute l’habileté consiste finalement à s’affranchir

de ses propres limitations, à dépasser les clôtures de son personnage,

pour s’ébattre librement, sans dépendre des caractéristiques,

des positions ou des références.

Apprendre à vivre dans le concret nu.

Cette capacité à se dépasser en soi-même, à se transcender,

je l’appelle liberté.

 

Éric Rommeluere / Les bouddhas naissent dans le feu /Seuil

_surprise

Transformers

Malgré son jeune âge, l’on disait de Sessan être

une incarnation de Bouddha Shakyamuni.

Celui-ci avait soif de connaître la vérité de la vie,

aussi se rendit-il dans les montagnes dans l’intention de trouver un maître.

Un jour, alors qu’il était en pleine montagne,

Sessan entendit une voix dire : « Tout est impermanent.

Tel est le Dharma de la naissance et de la mort. »

En entendant ces paroles, Sessan fut profondément saisi.

« D’où vient cette voix ?  »  se demanda-t-il. Il regarda alentour,

mais ne vit personne. Il entendit à nouveau la voix :

« Tout est impermanent. Tel est le Dharma de la naissance et de la mort. »

Sessan aperçut alors un démon d’allure féroce.

Mas sa soif de connaître la vérité de la vie était tellement forte,

qu’il ne ressentit aucune peur.

S’approchant du démon, le jeune garçon demanda :

«  Il doit y avoir une suite à ce poème. S’il vous plaît, dites-la moi. »

Le démon répondit : «  Cela m’est impossible.

J’ai si faim que je suis incapable de dire un mot de plus. »

Sessan le supplia : » S’il vous plaît ! Je vous en prie. Que mangez-vous ?

J’irai vous le chercher et vous l’apporterai. »

Le démon répondit : « Je mange de la chair humaine fraîche. »

Sessan dit : «  Si vous m’enseignez le reste du poème,

je vous offrirai mon propre corps. » Le démon récita alors :

« Réalise l’état de non-vie, de non-mort, de non-changement.

Vois la vacuité. Alors tu seras en nirvana, à l’aise et paisible. »

En entendant cela, Sessan se coupa les doigts

et avec son sang écrivit le poème sur les arbres et les rochers.

Ensuite il se jeta dans la gueule du démon et, à cet instant,

le démon se transforma et se révéla être le dieu Indra.

<a

href="https://unriendutout.WordPress.com/2016/10/24/transformers/les-ailes/#main » rel= »attachment wp-att-3371″>les ailes du démon

 

la pêche au lamparo

 

« Depuis les temps anciens de nombreux sages

et saints ont vécu au bord de l’eau.

Quand ils sont sur l’eau, ils pêchent non seulement du poisson,

mais aussi des hommes et la voie.

Ils font encore mieux : ils s’attrapent eux-mêmes à l’hameçon.

En pêchant le pêcheur, ils sont le pêcheur pêché, pêché par la voie.

«  C’est ainsi que jadis, le moine Te-Cheng

qui avait fui le monastère du mont Yüeh et s’était réfugié

sur le fleuve attrapa le grand sage Shan-hui.

Ne pêchait-il pas à la fois le poisson, l’homme, l’eau et lui-même ?

Shan-hui en rencontrant Te-cheng devint Te-cheng

et Te-cheng en guidant Shan-hui devint Shan-hui. »

 

Dôgen / shôbôgenzô, 29, « Sûtra des montagnes et des rivières »

_pêcher la voie

courant d’air

Entre la foi et l’incrédulité, un souffle,

entre la certitude et le doute, un souffle.

Sois joyeux dans ce souffle présent où tu vis,

car la vie elle-même est dans le souffle qui passe !

Omar Khayyam / poète soufi du XIIe siècle

mon moulin va trop vite

boum quand mon cœur fait boum

La vie quotidienne est une vie d’action.

Que vous l’aimiez ou non, vous devez fonctionner.

Tout ce que vous faites à votre profit s’accumule,

devient explosif et le jour de l’explosion sème

la dévastation en vous et dans votre monde.

 

Et quand vous vous leurrez, croyant travailler au bien de tous,

cela ne fait que rendre les choses pires

car vous ne devriez pas vous laisser guider par vos opinions

sur ce qui est bon pour les autres.

Un personne qui sait ce qui est bon pour les autres

est un être dangereux.

Sri Nisargadatta Maharaj

boum

culture raisonnée

« Les fleurs fanent même si les hommes les aiment

et la mauvaise herbe pousse même si l’homme ne l’aime pas. »

Dôgen

 

De cette même terre que vous aviez faite était une matière informe,

puisqu’elle n’était ni visible ni formée,

et que les ténèbres étaient répandues sur la face de l’abîme.

C’est donc de cette terre invisible et déserte ;

c’est de cette matière informe ; c’est de ce presque rien

que vous avez fait toutes les choses par lesquelles

ce monde inconstant subsiste et ne subsiste pas.

Et c’est dans ce monde que la mutabilité commence à paraître,

et que l’on y peut remarquer et compter les temps,

parce qu’ils naissent des changements qui arrivent dans les choses,

selon que ces forment qui ont eu pour matière

cette terre invisible dont j’ai parlé, s’altèrent ou se changent en elles.

Saint Augustin

_camélia-

 

 

 

Bonté divine !

« Mendiez auprès des pauvres

et donnez aux riches. »

Kodo Sawaki

PS: « Si vous voulez savoir ce que Dieu

pense de l’argent,

vous n’avez qu’à regarder à qui il en a donné ! »

Dorothy Parker

_regard

passage du témoin

Dans le Suprême apparaît le témoin.

Le témoin crée la personne et

la pense comme séparée de lui.

Quand le témoin voit la personne apparaître

dans la conscience qui

elle-même apparaît dans le témoin,

la réalisation de cette unité fondamentale

est l’œuvre du Suprême.

Il est la puissance derrière le témoin,

la source d’où tout coule.

 

Sri Nisargadatta Maharaj

le Suprême

pas un traître mot

Les  démons d’obstruction et

le Bouddha lui-même n’existent pas.

Il n’y a pas de méditant, pas d’objet à méditer.

Il n’y a pas de signes d’accomplissement.

Pas d’étapes ni de voie à parcourir,

Pas de sagesse ultime, pas de corps de bouddha.

Aussi le Nirvana n’existe-t-il pas.

Tout cela n’est que mots, façons de dire.

Milarepa

 

L’obscurité, c’est le noir de la Torah (les lignes écrites)

et la lumière c’est le blanc de la Torah (ce qui est entre les lignes).

Le Zohar

 

« La musique est l’espace entre les notes ».

Claude Debussy

_Bouddha

regard dans le vide

Dans les temps anciens, il n’y avait ni lunettes pour regarder le ciel ni rayonX.

Rien de tout cela n’existait.

Il fallait donc, par soi-même, s’équiper d’yeux capables de bien voir

sans  l’aide de télescopes ou de microscopes.

Alors un jour, pour la première fois, un œil perçut la réalité dans sa totalité.

Cet œil extraordinairement perçant se vit lui-même aussi bien que les autres.

Il pénétrait le bonheur et aussi le malheur,

et regardant toute chose en ce monde avec son œil prodigieux,

pour la première fois lui apparut un monde où il n’existait absolument rien.

Kôdô Sawaki

_œil perçant

voyage voyage…

On nous a tous envoyés

Avec mission

De conquérir le désert

Pour que le Voyageur

Voilé

Derrière nous

Laisse dans la poussière

des traces

qui n’existent pas,

Il, ou nous,

Finira au ciel

Finiront au ciel

Tous —

C’est sûr —

À moins que je m’trompe

On nous aura tous eu

Et notre temps

C’est la Vie,

La Sanction, la

Mort.

La Récompense

Au vainqueur

Ira.

Le vainqueur est Pas-Soi

 

Jack Kerouac

_au-ciel

 

fautes de frappe

Devant une rose, inexplicable est notre comportement.

Épris de sa beauté, d’un geste émerveillé, nous lui ôtons la vie.

Écrire, c’est renouveler, sur soi ce geste.

Le livre ne serait que le faire-part quotidien de toutes ces morts.

 

Edmond Jabès

_Fautes de frappe

 

du jamais vu

Mieux vaut voir une chose

toujours pour la première fois

que la connaître,

Parce que connaître c’est comme

n’avoir jamais vu pour la première fois,

Et n’avoir jamais vu

pour la première fois

c’est ne savoir que par ouï-dire.

 

Fernando Pessoa

_à première vue

 

 

_ Ça.

Le corps de chair est vide de moi.

L’existence va au gré des jours et des nuits,

sans qu’on puisse en suspendre le cours,

ne serait-ce qu’un instant.

Le visage aux joues roses, où est-il ?

On a beau chercher. Nulle trace de lui.

A la réflexion, on s’aperçoit qu’il y a tant

de choses du passé qui ne sauraient être revécues.

Comme l’éclair, le cœur nu,

sitôt apparu disparaît, sans jamais se figer.

Si le cœur pur est bel et bien vivant,

ce n’est pas à la suite d’un moi qu’on peut le trouver.

Ici même, le cœur s’ouvre sans avant ni après.

Que ce cœur s’éveille et nous rejetons

au loin les jeux du passé,

nous nous mettons à l’écoute de l’inaudible,

nous partons à la connaissance de l’inconnaissable,

sans que rien de cela ne soit notre fait.

Il en est ainsi, sachez-le,

pour la seule et unique raison que nous sommes ça.

 

Dôgen / shôbôgenzô / in-mo

_le cœur s'ouvre

 

Temps mort

Le futur de la mort détermine pour nous l’avenir,

l’avenir dans la mesure où il n’est pas présent.

Il détermine ce qui dans l’avenir tranche sur toute anticipation,

sur toute projection, sur tout élan.

Partir d’une telle notion de l’avenir pour comprendre le temps,

c’est ne jamais plus rencontrer le temps

comme une « image mobile de l’éternité immobile ».

Emanuel Levinas

eternity

 

en tout et pour tout

Tous les êtres circulent les uns dans les autres.

Tout est en un flux perpétuel.

Tout animal est plus ou moins homme.

Tout minéral est plus ou moins plante, toute plante

est plus ou moins animal.

Il n’y a qu’un seul individu c’est le tout.

Naître, vivre et passer c’est changer de forme.

Diderot

le-Tout

sacrée nature !

Un disciple du nom d’Esshin amenait toujours sa vache avec lui

lorsqu’il allait écouter les enseignements de son maître.

Un soir, comme ils rentraient après une lecture sur l’Hoke Kyo (sutra du lotus),

la vache, avec son sabot, écrivit sur le sable du chemin ce tanka :

Ce soir, j’ai entendu que

même les herbes, même les bois,

pouvaient avoir l’esprit du bouddha.

je suis très heureuse

Car j’ai un esprit.

Quelle est la signification de ces lignes ?

La vache pensait que les plantes, les arbres n’avaient pas d’esprit.

Or, elle comprit ce soir-là qu’elle n’était qu’un animal,

mais qu’elle avait un esprit.

« Ainsi, je possède également la nature du Bouddha.

Mon maître m’a donné aujourd’hui un enseignement précieux.

Je peux le comprendre par cet esprit. »

Les arbres, les pierres, les bois, tous les éléments du cosmos entier

possèdent la nature du Bouddha.

 

Taisen Deshimaru / Le bol et le bâton

_sacrée nature

consommation raisonnée et développement durable

Dans son Recueil de la transmission de la lumière, le maître zen Keizan écrivait

à propos de ce moment d’abdication où le corps et l’esprit se dépouillent :

Une fois qu’on a atteint ce lieu, on est comme un panier sans fond ou comme un bol percé.

Quoi qu’on y mette et remette, il ne peut rien contenir, quoi qu’on y verse et reverse,

il ne peut se remplir. Lorsque cet instant survient, on dit que le fond du tonneau a cédé.

Seule l’audace peut nous conduire en ce lieu.

Le calme comme l’absence de calme sont alors délaissés — dépassés.

La méditation zen ne prend sens que sur le fond de cette rupture de toutes les digues intérieures.

Il n’existe aucune méthode qui permette de faire céder le fond du tonneau ;

ni les techniques ni le bâton ne le peuvent.

La seule façon qu’il cède, c’est de se permettre qu’il cède. La clé est là : se permettre.

Nous croyons que des pensées, des images, des malaises nous encombrent.

En réalité, seules les peurs et les confusions nous encombrent vraiment.

Atteindre ce point paraît impossible. Et pourtant, c’est facile : il suffit.

On ressent alors que la méditation n’est pas affaire de calme mais bien de liberté.

Tout devient pur et nu, lumineux et transparent. La lumière originelle irradie de votre squelette.

 

Eric Rommeluère / S’asseoir tout simplement _ Seuil

Tonneau recyclé

 

 

taiseux

Le silence ne cesse de parler.

C’est un courant continuel

qui n’est interrompu que par la parole.

Shri Ramana Maharshi

paroles paroles