vagabond

pour mendier ma nourriture je me rends en ville

en chemin je rencontre un vieillard, une vieille connaissance

il me demande « maître, que faites-vous donc,

à demeurer là-bas sur le pic dans les nuages blancs ? »

je lui demande « que faites-vous donc,

à vieillir dans ce monde de poussière rouge ? »

nous sommes pour répondre mais restons tous deux muets

la cloche de la cinquième veille brise mon rêve

Ryokan

_vagabond

 

culture raisonnée

« Les fleurs fanent même si les hommes les aiment

et la mauvaise herbe pousse même si l’homme ne l’aime pas. »

Dôgen

 

De cette même terre que vous aviez faite était une matière informe,

puisqu’elle n’était ni visible ni formée,

et que les ténèbres étaient répandues sur la face de l’abîme.

C’est donc de cette terre invisible et déserte ;

c’est de cette matière informe ; c’est de ce presque rien

que vous avez fait toutes les choses par lesquelles

ce monde inconstant subsiste et ne subsiste pas.

Et c’est dans ce monde que la mutabilité commence à paraître,

et que l’on y peut remarquer et compter les temps,

parce qu’ils naissent des changements qui arrivent dans les choses,

selon que ces forment qui ont eu pour matière

cette terre invisible dont j’ai parlé, s’altèrent ou se changent en elles.

Saint Augustin

_camélia-

 

 

 

Star Trek

Toutes nos idées nous restreignent et nous enchaînent ;

lorsque nous les abandonnons, nous nous émerveillons de découvrir

qu’il n’existe aucune limitation intrinsèque.

Nous disons que, d’une façon ou d’une autre, nous sommes limités,

et qu’il nous est, par exemple, impossible de voler,

mais là encore il ne s’agit que d’une notion, rien de plus.

Si je peux voir la vie en tant que Corps de l’Unité,

si je peux voir que tout est un, je peux bien sûr voler, je peux tout faire,

parce que je suis tout et que je suis entrain de tout faire

— à l’instant présent ! Je suis en train de voler,

je tourne autour de la terre, je tourne autour de Mars et je crée des étoiles.

Lorsque je dis que je ne peux pas voler,

je déclare uniquement que mon concept de « je » ne peut pas voler,

parce que mon idée de « moi » est un soi limité et restreint

qui ne perçoit pas son unité avec l’aigle.

En tant qu’être illimité et incommensurable, je peux, de toute évidence voler.

 

Bernie Glassman / Le cercle infini / Méditations sur le sûtra du cœur

S-F

 

une hirondelle ne fait pas le printemps

La régénération est comme le printemps.

Le printemps a plusieurs visages.

C’est ce que l’on appelle régénération.

Sachez que la régénération s’opère sans apport extérieur.

Par exemple, la régénération du printemps invariablement

régénère le printemps.

Bien que la régénération elle-même

ne soit pas nécessairement le printemps,

parce qu’il s’agit ici de la régénération du printemps,

la régénération du printemps atteint l’éveil maintenant,

au temps du printemps.

 

Sans la régénération de ma combustion,

à ce moment précis,

aucun dharma et aucune chose ne pourraient exister,

[aucun dharma et autre chose] ne pourraient se régénérer.

Cela, vous devez l’étudier.

 

Dôgen / shôbôgenzô /uji /être-temps

_volets noirs

 

 

 

 

Origine contrôlée

Comme on décore le corps

Qui n’est que matière provisoire !

Ne sait-on jamais

Qu’il en est ainsi ?

 

Nous sommes venus de l’Origine

Et retournons à l’Origine.

Ne cherchez jamais

Un endroit inutile.

 

Personne ne sait

Le moment d’une naissance.

Personne n’a d’habitat.

Lorsqu’on s’en retournera,

On redeviendra

De la terre comme auparavant.

 

Il y a plusieurs chemins

Au pied de la montagne pour l’escalader.

Mais le sommet n’est qu’un

Et nous y voyons la même lune.

 

Nous ne fixons pas d’auberge

Pour la fin de notre voyage,

Nous n’avons donc pas

De chemins où nous égarer.

 

Ikkyû

 

_chemin faisant

 

 

encrier d’ombre

“ Avoir de l’encre est facile, mais avoir le pinceau est difficile ;

avoir le pinceau et l’encre est encore facile, mais ce qui est difficile,

c’est de n’avoir plus trace ni du pinceau ni de l’encre.“

Dai Xi

 

“ L’absence de traces du pinceau et d’encre prend sa source dans la nature.“

Gao Bing

 

Gao Qipei avait un sceau qui portait l’inscription suivante :

“ Je ne cherche rien d’autre que l’absence de traces de pinceau et d’encre.“

 

_Traduction et commentaire du traité de Shitao par Pierre Ryckmans

calligraphie

ON THE ROAD AGAIN / 6 et FIN

image_-J

IMAGE J_ SON UNIVERS MENTAL A ENFIN DISPARU_Lorsque je deviens vacuité, lorsque je perds mon égo, je suis partout.

COMMENTAIRE DE TOKUDA SENSEI_Il est nécessaire de tout oublier pour suivre son propre chemin. Créer, avec une forte  et dynamique énergie. Qui peut le faire ? La personne qui en est capable est appelée Taiko, le Grand Moi. En effet, cet être qui possède une si puissante énergie est capable de changer la vie d’un autre être. S’il ne possède pas cette énergie, s’il reste au stade de l’imitation, il sait se servir de l’ôryôki*, faire les cérémonies etc. Mais il en reste là.

Maître Dôgen dans le “Genjo koan“ disait : “Étudier la Voie c’est s’étudier soi-même. S’étudier soi-même, c’est être éveillé par toutes les existences. Être éveillé par toutes les existences, c’est dépouiller son propre corps et son propre esprit comme le corps et l’esprit de l’autre“. C’est le lâché-prise du corps, de l’esprit et de celui de l’autre. Vous oubliez les marques tangibles du satori, mais l’état d’éveil est présent pour l’éternité. Si cette personne a reçu l’inspiration du Grand Soi, il recommence indéfiniment le cycle de l’entraînement ; ce cycle représente l’éternité. Tout ceci est vous-même. Oublier est très important.

*set de bols traditionnel pour les repas

ON THE ROAD AGAIN / 5

_O-T-R-A-5IMAGE I _ RETOUR À LA SOURCE _ Dès l’origine, il n’y avait pas même une tache de poussière (pour contaminer la Pureté intrinsèque). Il observe la croissance  et la décroissance de la vie dans le monde en attendant humblement dans un état de sérénité inébranlable. Ceci (croissance et décroissance) n’est ni fantôme ni illusion mais une manifestation de la Source. A quoi bon, donc, le besoin d’aspirer à quelque chose ? Les eaux sont bleues, les montagnes sont vertes. Seul avec lui-même, il voit les choses se transformer sans fin.

Il est retourné à l’Origine, il est revenu à la Source. C’est comme si, à présent, il était aveugle et sourd. Assis dans sa chaumière, il ne désire pas les choses extérieures. Les cours d’eau vont ondulant par eux-mêmes, les fleurs rouges s’épanouissent naturellement en rouge.

Ici apparaît la vacuité totale, le néant total et à ce moment une fleur s’épanouit. On l’appelle “la fleur du vide“. Lorsqu’une fleur s’ouvre le monde apparaît. Cette fleur du vide est la réincarnation de la vacuité. Cette vacuité est le vrai soi. Cette fleur est donc la réincarnation de votre vrai moi. Cette fleur est vous-même, la réalisation de vous-même. Avant ce stade, lorsque l’on regarde par exemple les fleurs au printemps, les bourgeons aux arbres, nous sommes dans la dualité puisqu’il y a un objet et un sujet. Mais au stade décrit ici, vous voyez tous les phénomènes de ce monde selon un autre point de vue. Car tout ce que vous voyez est aussi vous-même.

COMMENTAIRE DE TOKUDA SENSEI _ Ainsi s’accomplit votre rencontre avec vous-même, au sein de la nature. Ceci est très important à comprendre d’un point de vue écologique. La nature et vous-même ne sont pas deux choses séparées. Nous sommes la nature et c’est pourquoi il faut prendre soin d’elle. Prendre soin non seulement de la nature mais de tous les êtres, sans discrimination. Etre avec l’autre, c’est soi-même rencontrant un autre soi et également le soi face au grand Soi. De cette manière le dharma se transmet éternellement.  C’est ça le secret de la réincarnation du non-égo. Comment le non-égo peut-il se réincarner ? Lorsque quelqu’un demande : “Est-ce que dans le bouddhisme la réincarnation existe ?“ La réponse est : “oui“ et “non“. Cela dépend du point de vue. Tout est vacuité et tous les phénomènes sont interdépendants et conditionnés. Mais d’un autre côté, lorsque vous entrez dans la vacuité vous pouvez revenir sur terre maintes et maintes fois en toute liberté ; vous pouvez choisir votre vie, mère et père, choisir le moment de votre naissance et le lieu, pour continuer à aider les autres.  Il y a énormément de choses à réaliser et très peu de temps pour le faire, c’est pourquoi il faut revenir de nombreuses fois. C’est pourquoi la vie de Bouddha est éternelle.

ON THE ROAD AGAIN / 4

_RD-4IMAGE G _  LE BŒUF EST OUBLIÉ, LE MOI EST TOUT SEUL _ Dans le Dharma il n’existe pas de dualité. Le bœuf est sa nature primaire : ceci il l’a maintenant compris. C’est seulement sur le bœuf qu’il put rentrer chez lui, mais maintenant le bœuf a disparu et l’homme s’assoit seul et serein. Où est passé le bœuf ? Il est à l’intérieur de lui.

IMAGE H _ OUBLIER LE BŒUF ET LE MOI _ Toutes les sensations illusoires se sont effondrées de même que les idées du sacré. Il ne demeure pas dans (l’état du “ Je suis un) Bouddha”, et il passe rapidement à travers (le stade de “ Et maintenant je me suis purifié du fier sentiment “Je ne suis ) pas Bouddha.

COMMENTAIRE DE TOKUDA SENSEI _ A ce stade tout disparaît. La dualité disparaît. Le sacré disparaît. Il est dit : “ Où est Bouddha, ne demeurez pas et si il n’y a pas de Bouddha, s’il-vous-plaît passez rapidement“.  Cette image (H) n’est pas la suite logique des images précédentes. Cette image est l’expérience du zen. Si elle ne se fait pas, l’entrainement continue mais il reste un entrainement. Avec cette expérience vous devenez un Maître. Elle signifie : abandonnez votre corps et votre esprit et tout disparaît. Ce stade peut être appelé Dharmakaya, le corps du Bouddha Universel, cosmique. En réalité, cette vacuité est le vrai Soi. Si vous ne le réaliser pas, il y a toujours “moi et l’autre“, vous restez dans la dualité. On peut dire que les entrainements de A à G restent académiques, des entrainements scolaires. Vous pouvez recevoir tous les diplômes possibles, les plus hauts degrés ; vous pouvez devenir une élite en allant jusqu’au stade de l’image G. Mais le stade “H“ ne s’atteint pas dans une école. Il ne peut avoir lieu  que sur un champ de bataille, car c’est une question de vie et de mort. Cela ne peut s’étudier de manière systématique. Pour parvenir à ce stade il faut faire d’abord l’expérience du désespoir de la souffrance maximum.

ondes de forme

Les ombres naissent des formes, l’écho répond à la voix. Ceux qui jouent avec leur ombre jusqu’à épuiser leur corps, ne réalisent pas que ce corps est la cause de l’ombre. Ceux qui élèvent la voix pour faire cesser l’écho ne réalisent pas que leur voix est la source de l’écho. Rechercher le nirvana en éliminant les passions est comme rechercher l’ombre en enlevant le corps. Chercher le Bouddha en rejetant les êtres est comme chercher l’écho en faisant taire la voix. Sachez donc que l’illusion et l’éveil ne sont qu’une seule Voie, et que la bêtise et la sagesse ne diffèrent en rien. Pour avoir donner des noms à ce qui était innommable, on a engendré l’être et le non-être. Pour avoir établi des principes dans ce qui était sans principe, on a vu fleurir les disputes. Les transformations illusoires n’étant pas vraies, qui aurait tort ou raison ? L’erreur étant irréelle, qu’est-ce qui existe ou n’existe pas ?

Le traité de Bodhidharma

_ÉCHO